C’est en allant à Las Vegas que j’ai pu me retrouver dans un endroit des plus paisibles que j’ai connu : discret, sobre, obscurément candide et serein. Tout ce que je ne m’attendais pas à retrouver dans cette ville des mille et une lumières. Où tout ce qui bouge aspire à la luxure, et où tout ce qui s’entend recherche désespérément les plaisirs éphémères.
C’est pourtant dans cette cité des vices où la débauche brille et s’élève en immenses édifices fastueux au milieu d’un vaste nulle part de montagnes désertiques du Nevada, qu’une petite bâtisse a attiré mon âme. C’est au terme de ma visite que mon être s’est apaisé. Mais avant cela, mes yeux se sont étourdis à la vue des lumières au milieu d’un désert assombris par la nuit.
À des miles, Las Vegas était éblouissante. Je ne pouvais qu’être excitée à l’idée de voir de plus près ce qu’abritait cette ville flambante. Après avoir déposé nos affaires à l’hôtel, malgré la fatigue et la faim, la curiosité nous a poussé à sortir et à aller découvrir ce qui se cachait sous ces lumières. C’était certes très beau, mais la musique assourdissante, la fumée, les cris frénétiques, et les images suggestives n’ont cessé de brusquer nos sens et nous ont forcé à retourner dans notre chambre. En attendant que le petit matin oblige cette foule asservit aux jeux d’argent, aux plaisirs de la chair et de l’alcool à aller dormir.
Nos espérances ont été satisfaites. Et le matin a été tellement plus calme, mais tout aussi beau que ce que nous offraient les lumières de la nuit. Les imitations des plus grands monuments du monde étaient faites avec une telle précision, et une telle finesse. Parfois même, la copie était plus belle que l’original. Les moyens mis en œuvre devaient être astronomiques… Rien d’étonnant dans une ville connue pour ses casinos. Qui eut cru que des mormons allaient fonder « the future Sin City »…
Le luxe était présent à tous les niveaux, dans tous les palaces. Les décors variaient d’un bâtiment à l’autre. Nous faisant passer de New-York à l’Empire Romain avec le Caesar Palace, en passant par les charmes italiens du Bellagio, et par Paris avec sa tour Eiffel miniature. Malgré la féerie du château médiéval d’Excalibur, ou la grandeur égyptienne du Luxor Hôtel, ce sont les petits canaux vénitiens avec ses gondoles et le crépuscule de son ciel artificiel du Venetian qui m’ont emporté loin. Loin en enfance…
C’était magique, dans son luxe et son réalisme le plus parfait. Après une longue matinée et des étoiles plein les yeux, la vue de miséreux sans abris, pieds nus et dormants sur les trottoirs nous a fait redescendre rapidement sur terre.
Avant notre retour à Phoenix, il nous fallait prier. Nous avons donc pris la première adresse trouvée sur internet, celle de Masjid Al-Noor. À près de vingt minutes des casinos et des palaces de Las Vegas Boulevard. Après la foule, le luxe et la modernité, voilà qu’on se gare devant une paisible petite maison sous un soleil d’été. Dans la cour, un homme d’origine afro-américaine jouait au basket. Sur le côté de la mosquée, se trouvaient un toboggan et une cabane pour enfant dans un petit jardin à l’herbe jaunâtre. À l’entrée, une rampe pour personne handicapée avait été installée, ainsi qu’un robinet.
C’était une vue troublante et fabuleuse à la fois. Il était tellement rare de trouver une mosquée aussi simple et complète. D’autant que nous venions de quitter le monde des plaisirs physiques et matériels pour atterrir dans cet endroit qui paraissait tellement plus modeste et réel. Un homme au regard simple et au sourire honnête m’a indiqué gentiment l’entrée de la salle de prière des femmes.
En m’y introduisant, un souffle d’air frais m’a envahi le cœur. Après avoir fait mes ablutions, je suis allée dans la salle de prière, des plus neutres. Ouverte sur la salle des hommes, elle était quasiment vide, sombre et fraîche. Je me suis assise dans ce silence religieux et j’ai laissé mon cœur se détendre. Je suis passée de l’abondance superflue de ce monde aux merveilles de la nourriture céleste. L’éphémère face à l’éternelle. La débauche face à la pureté. L’irréel face à l’authentique.
Parce que c’était ici que mon être pouvait accéder au vrai bonheur, à ce qui nourrira mon esprit et mon âme. J’ai fait les prières du voyageur dans cette maison que je ressentais vraiment comme celle de la Toute Puissance. Puis je suis sortie apaisée, me rendant compte que cette petite mosquée a été la plus belle chose que j’ai vu à Las Vegas.