C’est quelque part au milieu du parc naturel régional du Massif du Morvan que se trouve un petit domaine abritant une école unique : l’IESH de Château-Chinon (Institut européen des Sciences Humaines). Assez unique en son genre, cette école forme qui le souhaite à des disciplines qui ont trait à l’Islam : l’apprentissage du Coran, la théologie islamique ou encore l’apprentissage de la langue arabe, en assidu ou à distance. Elle organise également des séminaires de cours intensifs d’une ou deux semaines.
Cadre idéal pour une retraite spirituelle, ou pour se ressourcer loin de ce monde. L’institut est surplombé par une nature verdoyante, paisible et inspirante. La vie urbaine la plus proche se trouve à une dizaine de kilomètres de l’institut. On ne peut imaginer meilleur cadre de vie pour une méditation profonde et un retour aux sources de notre vie. YaBanat a eu le plaisir de recueillir les témoignages de deux jeunes bordelais, Hamed et Dima. Tous deux ont passé une année à l’IESH de Château-Chinon.
Hamed
Etudiant en médecine, Hamed a une vision optimiste de l’avenir de la jeunesse musulmane. Confiant des qualités qu’elle regorge, il n’hésite pas à se donner les moyens pour la faire avancer, notamment par sa propre réussite. Il a aimablement accepté de livrer son expérience à l’IESH de Château-Chinon. Une expérience qui a été une étape importante dans son développement personnel.
Dans quel contexte s’est déroulée ton expérience à l’IESH de Château-Chinon ?
Mes premiers contacts avec l’IESH de Château-Chinon ont été au cours de séminaires de Coran pendant les vacances d’été entre les années lycée. C’est à ce moment-là qu’a germé l’idée de prendre une année après le baccalauréat et avant de commencer mes études afin de profiter encore plus de ce lieu unique. J’ai donc rejoint l’IESH pour l’année scolaire 2007 / 2008. Année qui restera pour moi une étape de vie essentielle et inoubliable.
On s’imagine souvent qu’une année sabbatique peut rendre le retour aux études difficiles. Est-ce que cela a été le cas pour toi ?
Une année à l’IESH de Château-Chinon n’est pas vraiment une année sabbatique au sens d’une année de repos. Bien au contraire. Elle permet d’acquérir un rythme et une rigueur de travail. Ce qui en fait une excellente préparation pour ceux qui veulent poursuivre d’autres cursus par la suite. Personnellement, mon retour dans le cursus de médecine s’est très bien passé Al hamdulillah.
En quoi cette année t’a été bénéfique ?
Je me suis inscrit dans l’institut de Coran, afin de parfaire ma lecture auprès de Chouyoukhs (des sheikhs) compétents et réputés comme Cheikh Farid Ouyalize et Cheikh Said Bouhdifi. Tous deux diplômés dans les 10 lectures par l’éminent Cheikh Ayman Swaid. J’avais aussi comme objectif de compléter mon apprentissage du Coran, que j’ai pu mener à bien Al hamdoulillah en fin d’année avec une Ijaza dans la lecture Warsh. A mon arrivée, je mémorisais déjà une vingtaine de Hizbs. Et j’ai pu par la grâce d’Allah, et aussi grâce au cadre propice de l’institut, compléter les 40 restants.
Ce lieu m’a donc permis de resserrer mes liens avec Allah swt et sa parole dans un cadre naturel propice à la méditation, à l’introspection et à la spiritualité. Ce fut également une excellente opportunité de côtoyer des enseignants et des Machayikhs qui irradient de savoir et de modestie. Enfin, le fait de vivre en internat avec des frères de toute l’Europe, voire d’encore plus loin, est une réelle source d’enrichissement et permet d’établir des liens de fraternité très étroits et durables.
Comment se déroulaient tes journées ? Tu passais tes journées à apprendre ?
Concrètement, une journée type se déroulait comme cela : de 8h à 9h, c’était tajwid théorique, lecture didactique et un peu de Tafsir. Entre 9h à 13h, on avait apprentissage en classe, récitation au professeur de deux pages en moyenne qu’on devait apprendre. On avait un examen par semaine, et c’était 5 pages dans ce qui avait été appris, pris au hasard qu’on devait réciter. À 13h, on déjeunait, puis la prière. Le reste de la journée, chacun était libre de s’organiser comme il le voulait, entre l’apprentissage et les révisions. C’était comme cela du lundi au vendredi. Le week-end était libre. Il y avait des activités culturelles et sportives organisées par les étudiants, des dourous à la mosquée avec certains profs, des sorties, etc.
L’immense avantage de ce lieu par rapport à l’apprentissage du Coran, c’est la quantité de temps disponible. Tout est proche : la mosquée, les salles de classe, le dortoir… Pas de temps perdu dans les transports, dans la confection des repas, etc.
Des points négatifs ?
Il est toujours possible de trouver des défauts et tout est perfectible. Certains se plaindront des conditions de vie quelques fois moins confortables que le cocon familial. Voire des co-étudiants dont la personnalité plus ou moins agréable. Mais les bénéfices extraordinaires que l’on peut tirer de ce lieu béni aussi bien spirituel, scientifique, qu’humain, avec une bonne intention et une bonne volonté, éclipsent tous ces petits défauts et valent bien certains sacrifices.
Dima
Étudiante en école de communication. Active et joyeuse, elle partage son sourire et sa force à travers des actions associatives et humanitaires. Cette jeune mariée a accepté de partager avec nous un petit aperçu de son expérience à l’Institut.
Plusieurs années après ton passage à l’IESH de Château-Chinon, est-ce que tu penses encore que cela t’a été bénéfique ?
Oui, c’était vraiment une expérience inoubliable ! J’y suis allée un an pour apprendre l’arabe. Je suis passée directement en deuxième année suite à un examen. J’ai beaucoup appris, et c’était vraiment bénéfique. Mais comme tout, s’il n’y a pas de suivi, tu perds de ton niveau. J’ai par exemple oublié une partie des règles de grammaire, mais j’ai gardé la lecture, le tajwid et un peu de fiqh. J’ai aussi oublié les hadiths qu’on avait appris, la sira du Prophète saws et tous les beaux poèmes (il m’en reste quelque vers seulement). Je regrette donc de ne pas avoir lutté pour maintenir mes acquis.
Socialement, est-ce que tu as fait de belles rencontres ?
Lorsque j’y étais, j’avais 14 ans, j’étais la plus jeune de l’institut et j’avoue avoir été gâtée. J’étais un peu la petite sœur, ou même le bébé de tout le monde (rire) ! Il y a des personnes très bien à l’institut (vraiment très bien). Mais il y a aussi des personnes moins bien (comme partout). Et si on tombe sur les mauvaises personnes et qu’on est influençable, cela peut faire très mal… Donc je conseille aux gens d’y aller, mais de garder du recul. De ne pas oublier la réalité du monde extérieur et de faire attention à ses fréquentations.
J’ai rencontré des sœurs extraordinaires sur lesquelles je peux compter encore aujourd’hui (soit 10 ans plus tard). Et j’ai passé des moments tout simplement inoubliables ! On a ri ensemble, on a appris, on a pleuré, on s’est entraidée. Et on a même organisé une soirée déguisée !
En ce qui concerne le cursus que tu avais choisi, comment l’adolescente de 14 ans que tu étais avait trouvé la formation et l’ambiance ?
Je suis satisfaite de notre formation (arabe), du niveau des professeurs que nous avons eus et des différentes matières. Je regrette cependant d’être trop souvent rentrée chez moi, surtout au début. Parce que l’IESH de Château-Chinon, c’est magique. Mais il y a aussi très peu de réseau, peu de confort, ni même de réelle intimité. Alors j’avais souvent besoin de rentrer retrouver ma famille. Dans l’ensemble, une personne qui va à l’IESH apprendra beaucoup. Et puis, c’est bien d’être isolée de temps en temps. Mais je regrette tout de même le fait qu’on soit dans une bulle.
C’est à facile à d’aller à la mosquée pour toutes les prières, d’aller aux cours, de s’habiller de façon pudique, ne pas écouter de musique, ne pas dépasser les limites avec un frère (parce que de toute façon il n’y a pas de contact avec les frères), etc. Tout cela n’est pas compliqué étant donné que nous sommes entre musulmans dont le but est plus ou moins le même. Mais lorsqu’on retourne à la vraie vie, c’est un choc. On tient au début puis très vite, on commence à lâcher nos acquis parce que nous n’avons pas évolué dans la société… Et surtout parce que la société est par exemple synonyme de contraintes et de mixité alors que j’aurais quand même aimé évoluer dans cette réalité. Mais si c’était à refaire, je n’hésiterai pas une seconde !
Nombreux sont ceux qui, comme Hamed et Dima, ont gardé de leur séjour à l’IESH de Château-Chinon de beaux souvenirs et des connaissances. La plupart ont été très sensibles aux charmes du cadre qui entoure l’institut, et ont pu bénéficier positivement du bagage acquis, pourvu qu’il ait été entretenu. Malgré la satisfaction qui ressort de ces témoignages, d’autres ont pu soulever des bémols. Notamment les prix assez élevés, mais tout à fait justifié. Pour plus d’informations, en plus du site internet, l’institut organise des portes ouvertes chaque année. L’occasion de présenter les programmes de formations, les séminaires, et le cadre unique de l’IESH de Château-Chinon.
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